POUR SALUER RENÉ BONENFANT

Publié le 09.28.2020
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© MARCO-CAMPANOZZI

L’édition a besoin de ces êtres dévoués qui passent leurs vies au service de leur passion et au service des autres. Sans que l’on s’en rende compte, le travail du livre devient parfois un service public, une utilité pour la société, sans pédagogie ni prétention autre que de servir justement la poésie. Voilà la vraie mission que soutient ce travail inlassable et minutieux : diffuser et se dédier à la reconnaissance des voix. Permettre aux poètes de cohabiter dans un même espace, serait-il virtuel. Toutes générations confondues. Et toutes tendances confondues. Je suis heureux, ici, d’exprimer ma gratitude pour la grande chose inaugurée voilà 50 ans. J’espère bien m’incarner dans cette continuité. J’espère bien qu’on poursuivra ainsi dans le futur, avec la même générosité et la même abnégation.

Mon cher René, tu étais davantage que le simple ami des poètes, leur complice, leur espoir. Je me souviens de votre accueil, à Célyne et à toi, de mon premier livre Projets de Pablo. Avec quelle générosité vous m’avez tendu la main, comme à tous ceux et celles qui venaient vers vous avec quelque manuscrit. Je me souviens également de votre généreuse passation en 1991, grande année des vingt ans de la maison et des quelques 250 titres inscrits dans son catalogue d’exposition, ainsi que de votre confiance dans l’avenir de la petite maison qui fait de la grande poésie. Votre mission est aujourd’hui une grande aventure qui se poursuit après cinquante ans. C’est ce qu’on appelle avoir de la vision.

Nous ne dirons jamais assez notre dette envers vous, les deux fondateur.trices du Noroît. Vous avez créé une maison dès l’abord conviviale : réunions dans la salle à manger. Tôt ou tard, nous passions par la maison de Saint-Lambert. Ça discutait poésie et ça remettait le monde dans un ordre acceptable. Vous avez publié les premiers livres de Lefrançois, Amyot, Uguay, Déry, Desautels, Dorion et tant d’autres, générant ainsi une nouvelle génération de poètes, cohabitant avec les Brault, Beaulieu, Beausoleil, Malenfant de ce monde. Vous avez créé une véritable fabrique de poèmes, au sens noble d’un artisanat minutieux et dévoué. Attentifs aux mots, aux images, à la matière sensible de l’objet lui-même, et une attention à l’autre, une joie d’être communicative dans la création. Modestement. Avec détermination.

René, tu as été et tu demeures pour moi une inspiration, dans la façon même de concevoir le livre et l’édition, dans le souci d’un livre qui dure. Bien sûr, le commerce oblige mais la mission fondatrice demeure, soit celle de diffuser et de faire connaitre la poésie dans la pluralité des voix. Éditer c’est d’abord une rencontre avec un être et un poème, un échange, un dialogue avec le poète aussi bien qu’avec les lecteurs. Échange tout dédié à la poésie. Tout le monde de l’édition te connaissait, comme un camarade, un comparse de la profession. Tu as travaillé dans tous les métiers de l’édition, et tu as même été chef de l’édition aux Conseil des arts du Canada. Mais bien vite tu es revenu aux fondations du travail du livre fabriqué avec soin, dans la complicité et la compétence des corps partageant une passion commune.

Je te dis merci mon ami, avec ma gratitude.

Paul Bélanger

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