Zone franche

Zone franche est le versant blanc de L’avancée seul dans l’insensé. Dans cette pâte verbale dense, Pierre Ouellet interroge la présence du corps dans le réel, sans s’y restreindre toutefois. On entre dans le flot d’une parole poétique ambitieuse où les images contrastées, entre la matière et le vide par exemple, sont l’écho d’une quête du Nom. C’est qu’au désespoir de la contingence et de notre absence de la réalité, le poème s’élève comme une colonne d’air pour dire sa résistance et forcer le réel à se dévoiler. Si nous rencontrons le néant à toutes les fins de millénaire, comme l’écrit l’auteur, et que nous charrions notre ombre jusqu’au lendemain, c’est bien parce que le poème est l’ultime recours d’une présence toujours en devenir.

On dit qu’on est un homme, encore.

Pas pour longtemps. On voudrait bien dormir, reposer là dans ses propres bras:

ce qu’il nous reste d’humanité.

Une manche plutôt qu’une main,

une chemise plutôt qu’un corps,

un rire au lieu d’une bouche, un cœur réduit

à son propre pouls, les bronches à un soupir.

Dormir dans cet amas, ne plus se réveiller

jusqu’à ce qu’on vienne tout ramasser: du plâtre et des gravats.