Visions prodigieuses
Avec une oeuvre de Bad and Bougie en couverture
Au départ, une révélation : nous devenons ce que nous lisons. Dans Visions prodigieuses, Nicole Richard revisite les oeuvres marquantes de sa bibliothèque, de ses premières lectures à l’adolescence jusqu’à l’âge adulte, faisant ressurgir une mémoire personnelle construite au fil des lieux où la littérature a pris vie.
À la manière d’un recueil de nouvelles, chaque poème dessine un tableau, un épisode d’un voyage à rebours tantôt comique, tantôt bouleversant. Auster, Woolf, Desautels, Brossard, Kafka, les voix se baladent, d’une plage d’Acapulco à un balcon montréalais, de Paris à Percé. Dans ce parcours narratif où la fiction se mêle aux fragments du quotidien et aux épreuves poignantes d’une existence, le poème élargit la vision du réel jusqu’à son éclatement. La lectrice devient l’écrivaine, et vice versa, les rôles se permutant ainsi dans la matière vive de la page.
Car mon corps ne se résout pas à cette déchirure. L’héritage premier inscrit dans la chair
Après les luttes vaines, à ma mort je veux qu’on m’enterre auprès d’eux et cela même si
J’ai longtemps rêvé d’être orpheline, naître de personne, une épure parfaite sans entrave
Pas de jupon qui dépasse, de langue sale qu’il faut laver avec du savon, de murs dressés
Tandis qu’on me mettait le nez dans mes carences originelles, qu’on me tirait vers le bas
J’ai cassé le moule qui fabriquait chez moi depuis des générations de gentilles épouses
Mon désir d’un ailleurs, d’échapper au bagage génétique, aux statistiques, à la maternité
J’aspirais à autre chose sans savoir quoi exactement, sans me douter de l’onde de choc
De telle sorte que je suis à mon tour dans la matière vive à fabriquer ma propre genèse
Le portrait brossé par sa plume, c’est le mien, le fossé croissant, le coût réel des ruptures
La lectrice se substitue à l’écrivaine, prend ses traits, se souvient de ce qui lui est arrivé
Je repense à l’ampoule grillée de la lampe près de mon lit, on la changera, c’est promis