Poèmes choisis (1963-2003)
L’œuvre de Solway, multiforme et universelle, inscrit la mémoire au cœur même de sa démarche poétique. Cette poésie inspirée où s’entremêlent les images admirables, le sens du tragique porté à son plus haut point d’incandescence, et l’ironie, investit un lieu habitable où l’homme, le temps et la mémoire pourraient enfin vivre réconciliés. Comme l’écrit Yves Gosselin dans sa présentation : «Son refus de se laisser enfermer dans une forme, quelle qu’elle soit, l’influence admise et intégrée de grands devanciers comme Yeats et Robert Graves, pour ne citer que ces deux poètes, sa création d’hétéronymes, le poète grec Andreas Karavis qu’il a inventé de toutes pièces en étant la plus parfaite illustration, son appropriation surtout de la mémoire, des archétypes, des mythes, en un mot de l’univers grec, en font un exemple vivant de résistance à toute forme de réductionnisme, dès lors qu’il est question de poésie et de la place que l’on croit être celle du poète exclu par Platon de la Cité. Citant Castaneda et le concept “d’ennemi-ami” développé par ce dernier. Solway travaille dans la forme, pour et contre elle, reconnaissant que nous sommes consciemment ou non “dépendants du passé, de la tradition”, que celle-ci constitue le poète et le poème, et qu’on ne peut s’en affranchir totalement sans du même coup sacrifier l’essence même de ce qu’est la poésie.»
L’ennui avec les angesTu ignores toujours comment les angest’apparaîtront.J’accepte les lettres recommandées.Je réponds lorsque retentit la sonnette.Je prête attentionlorsque des Hell’s Angels rassemblés au coin d’une rue parlent à voix basse,espérant alors entendre de la bouche du prophète les mots ou un ordre venus d’en haut.Tu ignores toujours dans quel lieu les angest’apparaîtront,et quand les yeux d’un étranger trahissent leur présence.Les anges aiment que l’on continue à deviner leur intention.Ils savent qu’il est difficile de faire la distinctionentre une intrusion et une incarnation.Les anges ont une manière bien spéciale qui n’appartient qu’à eux.Ils aiment vous titiller et vous prendre au piège.Ils aiment mesurer votre don pour la poésie.Tu ignores toujours quand les angest’apparaîtront.Les créanciers m’ont à l’œil.Les huissiers me trouvent chez moi.Des mendiants me demandent des cigaretteset de l’argent pour pouvoir se payer un café.Je ne pactise jamais.
Choix, traduction et présentation
Yves Gosselin
Œuvre en couverture
Jean-Pierre Schneider, Pierre de Wissant