Pierre blanche
Dans son journal, Charles Dodgson marqua d’une «pierre blanche» le «jour chanceux» de 1856 où il fit la connaissance de la petite Alice Liddell. Le révérend et la petite fille d’Oxford sont alors entrés ensemble au Pays des merveilles, laissant leurs corps et le temps derrière pour devenir, entre les pages d’un livre, Lewis et Alice. À un siècle et demi de distance, la poète piste les mouvements intimes de ces êtres réels et rêvés, qui continuent d’exister au carrefour des mondes, en poursuite perpétuelle de leurs doubles. Il y a le voyage d’Alice, mais le merveilleux ne tient pas là. Il réside dans le fait que la poète prolonge l’espace d’Alice jusqu’à l’inclure dans ses éléments biographiques. Si bien que les deux vies dialoguent et s’entrecroisent. Poursuivant l’amusement comme si elle entrait dans l’ombre de l’histoire et que les fantômes prenaient la forme d’un jeu de «cache-cache», «Les poèmes sont des scènes des vies réelles et rêvées d’Alice Liddle et de la poète…»
Désormais tu envies l’aisancedes autres à imprimer leurs ombres,la chatte effleurant l’évidencede son propre être
dans la pénombre du couloir,le lis s’imprimanten noir contre le mur blanc.La pierre assume sa formeavec une telle assuranceque tu pourrais en pleurer.
Traduction
Daniel Canty
Artiste
Estela Lopez Solis, La Suite d’Alice