Patmos
Ce premier livre d’Yves Gosselin aux Éditions du Noroît est hanté par un certain mépris pour l’époque. Patmos est l’île où, selon la légende, le livre de l’Apocalypse fut écrit. C’est aussi un centre monastique important dans la culture byzantine. Le recueil s’ouvre sur une série de «fragments», d’épiphanies où l’âme mutilée tente de s’approprier l’espace. Les «34 poèmes» qui suivent sont la déambulation d’un narrateur à travers l’espace grec: espace géographique, historique mais aussi humain où chaque lieu est l’occasion d’un poème, d’un rappel ancien : « Ceux que tu as convoqués aujourd’hui / sont morts, il y a longtemps, de leurs blessures » – les lieux et les hommes (Platon, Héraclite, Parménide…) faisant de ce passage parmi les ruines de la mémoire, où le poème gagné par la hargne est porteur d’une lumière rugueuse, une marche poétiquement stimulante. Enfin, dans «Nauplie ou l’adieu à la poésie», les poèmes attestent l’errance future. «J’ai perdu la foi», écrit le poète. Il avance sans espoir mais fervent tout de même d’une parole qu’on ne peut empêcher, serait-elle indicible.
Je demande aujourd’hui que quelqu’un m’indiquede ce monde la sortie : qu’elle soit à gaucheou à droite de ma poitrine où loge mon cœur diviséou dans cette rue où je ne passe plus.
Que mon nom se lave dans un autre sang que l’outrage.