L’Oeil dormant
Thomas Mainguy
Les poèmes de L’œil dormant puisent à différentes sources, qui en forment peut-être une seule. La vie terre à terre produit des signes qu’on retrouve plus loin dans l’enceinte des rêves ; l’inverse est aussi vrai. La conscience s’étonne de l’élasticité de tout ce qu’elle interroge, contemple. Ses explorations l’amènent à essayer de se surprendre, c’est-à-dire de coïncider avec elle-même un instant, histoire de sentir toutes les distances se résumer à l’intérieur d’une fabuleuse présence. Elle reste aux aguets, se fait discrète, comme l’œil dormant du chat qui scrute avec intensité ce qu’il feint de ne pas voir. Car elle imagine que bien des choses, comme elle, se manifestent dans la seule assurance de passer inaperçues.
Mon chien hume le dehors en connaisseur.Il enfonce sa truffe dans les feuilles mortes,s’éternise près des troncs comme le nez de l’amateurdans le bouquet de l’Arbois ou du Saint-Émilion.Il décompose les odeurs en pensées, dirait-on,à mesure qu’il tourne en rond dans le parc.Quand il s’arrête et retrouve quelque intérêtpour la voltige des écureuils et des oiseaux,c’est parce que sa méditation concentriquecomme une cible a touché le centre— il est partout.
Oeuvre en couverture de François Vincent