Les fantômes de la Pointe-Platon

Un jour, au cours d’une balade, un homme et une femme, n’écoutant que leur bon plaisir d’amoureux, déboulent d’un ravin et tombent dans un décor digne des premiers âges de l’humanité. Mais où sont-ils donc? À qui appartient cette pointe de roche qui s’avance dans le fleuve? Ils l’ignorent encore, mais ils sont sur le domaine Joly-De Lotbinière, où plusieurs seigneurs se sont succédé depuis XVIIe siècle. Ils rencontreront Pierre-Gustave Joly, moins guide que fantôme, qui les mènera dans ce lieu où se télescopent les époques, des rêveries à la Nerval, des chimères, des faits attestés par l’histoire et quelques divagations d’auteur… Mine de rien se dessine alors au passage un art poétique fait de continuité plutôt que de rupture et qui affirme la toute-puissance de l’imagination. Un récit amusant, qui entraîne le lecteur dans une promenade à la fois réelle et imaginaire. Une promenade, oui, puisque le livre est parsemé de photos du Domaine, ainsi que des hommes et femmes qui y ont habité, ou qui l’ont visité. Les fantômes de la Pointe-Platon est le cinquième livre de la jeune collection «Lieu dit», qui invite un poète à évoquer quelque lieu significatif, ayant nourri son imaginaire.

Mais ici, après avoir déboulé dans ce rude paysage, quels vers réciter? Le langage existait-il seulement en de tels lieux? Étions-nous encore des hommes,

ainsi recroquevillés sur le rivage, comme attendant notre naissance? […] Ce lieu n’était de nulle part ; il était le nouveau centre donné à l’univers, qui n’en savait rien, même si, témoins de son avènement, nous-mêmes ne pouvions plus en douter. Mais le savoir a ses certitudes. Il a bien fallu se lever, arpenter notre éden et le nommer, puisque nous en étions les premiers habitants.