Les damnés inflationnistes
Dans ce troisième livre publié au Noroît, Judy Quinn renouvelle sa pratique du poème dans un souffle ample, tout près de la narration. Elle y présente l’histoire d’une disparition : celle de P.; celle des chemins de dalles aspirés par la terre, de l’espace de la conscience gagné par le froid hivernal, de la vérité rongée dans l’os. C’est ainsi l’histoire d’une lutte pour la matière, l’espace et le temps. En ce sens, ce recueil, bien qu’il ne prenne pas le parti pris de l’héroïsme, développe une mythologie autour d’images tragiques de la nature et du quotidien, dont on cherche obstinément la grammaire. Unir, brûler, défaire, creuser sans relâche ; «damnés inflationnistes», nous sommes les fils et les filles du mouvement, solitaires et incapables de rencontres.
Un fleuve est un fauve qui s’enfuitun arbre est un oiseau blessépersonne n’est là pour vérifierl’authenticité de ces corpsétalés sur le gazon coupé tout crocheles talus et les petites bosses sousnos cheveux presque emmêlésune mer est un ciel affaisséune main est un cadavre qui s’ennuiechaque parole est un déboisementdes oiseaux s’en vontpar milliers comme des fousvers des territoires de plus en plus petitsnous vidons à mains nuesleurs becs je te donneton visage peu importele visage le cœurest un ver dans la cendrede l’heure une flammeest une flamme qui meurt.
Photographie
Judy Quinn
DANS LA PRESSE
« Dans ces poèmes au rythme frénétique, propulsé par une découpe parfaite qui n’a rien à envier à Normand de Bellefeuille, par un travail rigoureux sur la forme, en particulier les rejets d’un vers à l’autre, des éléments et des gestes du quotidien alternent avec des réflexions métaphysiques, à la manière de François Charron ; le choc entre les deux mondes permet d’entrouvrir des brèches, de nous transporter, de nous illuminer. »Dominic Gagné, Estuaire, automne 2012