La part du feu
Édition bilingue. Traduction du catalan et préface de Colette Zouvi.
La part du feu est un livre de rupture. Rupture d’un amour, rupture avec le monde tel qu’on le connaissait, avec les formes trop pleines du langage, avec les récits figés. Pol Guasch y explore ce qu’il reste quand tout vacille : des gestes, des fragments, des paysages sans refuge, un désir obstiné de dire encore.
En dialogue avec Maurice Blanchot, dont il détourne certaines phrases, l’auteur écrit dans les cendres — dans ce qui demeure après l’effondrement. La langue cherche un abri, une manière d’habiter l’absence, de faire place à l’impossible. Il y a dans cette langue une douceur qui résiste, une lumière qui murmure. Il y a de l’intime et du politique, de la tendresse et du désespoir, mais surtout un mouvement : quitter, recommencer, aimer autrement.
La part du feu trace les contours d’un monde où l’on survit à la fin. Et où, parfois, on recommence à vivre.
Fuir était ce que nous avions de plus beau :
après la foudre, l’herbe rouge,
le corps inerte ; fuir après avoir
frôlé la nuit avec la peau ;
fuir après avoir trait
l’air frais, sa membrane
bleue, l’âme engourdie, mais
vivre encore après avoir détruit
tous les souvenirs, mais vivre encore
malgré la peur
de la maladie, mais n’avoir jamais
su déchiffrer un message
dans le regard — nous nous fuyions
nous-mêmes, nous le savons bien,
comme on fuit le passé
armé d’un fusil.