J’écris sur du papier mouillé
Traduit du Danois par Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen
Paru initialement en langue féroïenne en 2020, puis en danois en 2021, J’écris sur du papier mouillé s’évertue à capturer la vérité dans les eaux mouvantes de la mémoire, là où le passé se brouille et se déforme, où la maison est sans cesse secouée par les vents. La poésie de Lív Maria Róadóttir Jæger, ancrée dans le territoire sublime des Îles Féroé, pose des questions fondamentales sur l’historicité des êtres et la part immuable de l’identité ; celle qui persiste à travers le temps. Ici, la figure de la grand-mère apparaît comme un phare lumineux, dépositaire de la sagesse, de l’amour et des expériences partagées qui façonnent les contours des paysages familiaux. Les époques s’enfilent, les couleurs se mélangent, les poèmes nous apparaissent, tels des photographies accrochées à la corde à linge. Le regard de la grand-mère se superpose à celui de la poète. De là, nous naviguons avec elles dans les complexités des liens générationnels et l’impact profond que la lignée familiale a sur la formation identitaire.
ADOLESCENCE 1996
j’écris
on ne peut pas compter sur les mammifères
et les hommes mettent bas leurs petits vivants
mon soleil — doigt brille
mon aisselle gratte
mon obscurité lunaire est bleue cordon
lumière du nombril
plus loin en haut les seins
peau pince élastique
fleur de sueur pue le pourri
déodorant