Ils passent la Mains
Dans Ils passent la Main, l’auteur reprend à rebours le trajet des nouveaux arrivants à Montréal. En parcourant ainsi la rue Saint-Laurent du nord vers le sud, il refait de mémoire, son propre trajet. Dans cette fiction, l’auteur crée une situation où trois générations d’immigrants se succèdent, et se trouve à incarner le lien de ces générations, parfois ambigu ou douloureux, à la ville et à cet axe – le boulevard Saint-Laurent –, fondateur de plusieurs vagues d’immigration. Du grand-père qui arrive en étranger en plein milieu de l’hiver, perdu et esseulé, en passant par son fils qui a migré vers une banlieue plus confortable, jusqu’au petit-fils artiste qui s’envole pour une exposition à l’étranger, se construit là une réflexion libre sur le sens même de cette expérience faite d’oubli et de palimpseste, de traces et de promesses. Un dialogue a lieu entre la ville et son auteur, la Main servant de prétexte à une réflexion sur la métropole qu’Alain Médam poursuit depuis longtemps.
Elle était comme une incertitude, mais une incertitude qui n’égarait pas. On s’y retrouvait, au contraire, s’y reconnaissait parce qu’elle n’avait rien de triomphal, parce qu’elle était attendrissante, rassurante en sa disparité. Elle me semblait mal fichue, désordonnée et cependant, pour cela même, d’une singulière universalité. Je m’y étais attaché. Aujourd’hui encore, j’y demeure. J’habite cette rue qui se dénomme boulevard comme si elle n’en finissait pas d’hésiter sur la nature de son sexe. Cette rue qu’on nomme la Main, aussi, comme si l’on ne savait trop en quelle langue parler d’elle. […]C’est sans doute cela que j’ai aimé : ce paradoxe, que cet axe soit celui d’un flottement. Mais aussi, peu à peu, parce que je pénétrais mieux le sens de Saint-Laurent au long de ces années, ce que j’aimais, c’est cette persévérance obscure, obstinée, de ceux qui s’y risquèrent et dont l’indécision apparente témoignait, à dire vrai, d’une vulnérabilité courageuse. Pour tenir, en effet, ne fallait-il pas rester indéfini ? Pour se définir à nouveau, pour devenir quelqu’un à nouveau, quelqu’un d’autre qu’un simple immigrant dans la ville, ne fallait-il pas avancer, une génération après l’autre, en cet incertain passage ? Ce récit, c’est donc pour cela… Trois hommes. Trois époques. Trois passages par Saint-Laurent. J’achève de l’écrire, cette histoire de Main; que je ne puisse en être satisfait entièrement, ceci, sans doute, est dans l’ordre des choses. J’aimerais voir, moi aussi, le bout du tunnel et peut-être l’ai-je aperçu, déjà, tandis que je le cherche encore.
Parcours photographiques
Yves Médam
DANS LA PRESSE
«Fort d'une écriture à la fois dense et fluide, et nourri de méditations profondes sur l'identité et les rapports à soi et à l'autre, à l'ici et l'ailleurs, [Alain Médam est] un écrivain brillant, en pleine possession de ses moyens.»Stanley Péan, Ici comme ailleurs, 2005