Entre vifs
Avec des œuvres de Patricia Bufe
Une donation ou un contrat entre vifs : fait pour un vivant de se déposséder irrévocablement de biens au profit d’un autre vivant. Ancré dans les thèmes de la séparation et de l’éclatement familial, le recueil de Louis-Jean Thibault détourne l’austérité du langage juridique pour interroger l’effondrement psychique et la reconstruction de soi qui suivent la rupture amoureuse. Comment peut-on s’extraire affectivement de la maison qui a abrité l’amour puis le désamour ? Comment apprendre à se relever des abîmes dans lesquels nage l’être rompu et délaissé ? Comment s’insérer dans d’autres lieux pour y refaire sa vie ?
Confrontés à l’affliction et au dépérissement, les poèmes d’Entre vifs se battent contre leur disparition. Le chant poétique, en écho à la mise à mort de l’imaginaire amoureux, devient alors porteur, dans son essence, de possibles renaissances et redressements.
Les glaces de l’estuaire ont atteint
Leur superficie minimale à la mi-mars.
Et moi, j’ai cessé de t’écrire.
Table rase et rage fondue au soleil.
Je me suis aminci, me suis glissé
Dans une enveloppe,
Page blanche sans destinataire
Pour apprivoiser la disparition
Et la solitude.
J’y suis au chaud.
Paysage minimal, anémique.
Pour la première fois de ma vie,
Je ne tiens dans aucune main :
Je me porte secours.