Aller aux corps
Avec une oeuvre de Véronique La Perrière en couverture.
Petite, j’accompagnais souvent mon père lorsqu’il allait aux corps. Dans le sous-sol de la salle paroissiale de Saint-Benjamin, on s’assoyait sur les chaises placées devant le cercueil ouvert, et on prenait des nouvelles du monde au village.
Inspirée par les rites funéraires familiaux, Laurence Veilleux poursuit dans Aller aux corps une mythologie toute personnelle en secouant ses fantômes pour en récupérer la parole. À travers une poésie qui donne corps à la mémoire, une enfant confronte la mort en évoquant celle de son père, de sa grand-mère et d’Aurélienne, la première épouse de son père qu’elle n’a jamais connue, mais autour de laquelle gravitent blessures intouchables et non-dits. En déjouant l’univers hérité de sa famille sous le signe de la religion catholique et celui de la chasse, la poète dessine une nouvelle filiation, celle des insoumises, celle des sorcières qui entrent dans les cercueils et transforment la peur en matière vivante.
une fillette mime un cadavre
devant sa mère
retient une larme pour la douleur
une larme pour la ruse
un père enferme sa fille
au fond d’un cercueil
elle grandit
perchée dans la noirceur